Nasser Al-Khelaïfi, le dirigeant du Paris Saint-Germain d’origine qatarie, se retrouve de nouveau sous les projecteurs en France. Le 5 février, il a été officiellement mis en examen dans le cadre d’une enquête sur une éventuelle manœuvre frauduleuse impliquant Arnaud Lagardère. Cette enquête porte sur des soupçons concernant une tentative en 2018 de modifier à son avantage un vote crucial du fonds qatari, qui est actionnaire de son groupe.
Affaires judiciaires entourant Nasser Al-Khelaïfi
Une source judiciaire a confirmé à l’AFP, jeudi, une information obtenue de source proche du dossier en cours.
Nasser Al-Khelaïfi, 51 ans, est sous le coup d’une mise en examen pour complicité d’achat de vote et d’atteinte à la liberté du vote, ainsi que pour complicité d’abus de pouvoir, selon ladite source judiciaire. Il ne fait pas l’objet d’un contrôle judiciaire.
Selon une source proche de l’administrateur du fonds souverain où siège M. Al-Khelaïfi, « Cette affaire n’a absolument et manifestement rien à voir avec Nasser Al-Khelaïfi. Toutefois, il est, comme toujours, impliqué par un processus biaisé qui le responsabilise de tout et son contraire, jusqu’à ce que cette affaire s’effondre en silence d’ici quelques années. »
L’affaire en question comporte deux aspects. Le premier concerne M. Lagardère, soupçonné d’avoir détourné, à hauteur de 125 millions d’euros, des fonds de ses entreprises pour couvrir ses dépenses personnelles au fil des ans. Le second volet impliquant « NAK » concerne l’année 2018, alors que le groupe était en pleine confrontation d’influence entre Vincent Bolloré, allié d’Amber Capital, et Bernard Arnault, PDG de LVMH, qui soutenait Arnaud Lagardère.
Le 24 avril 2018, Qatar Holding LLC, une branche du fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA) et principal actionnaire, avait soutenu les résolutions d’Amber Capital. Ce vote avait surpris M. Lagardère, car il soutenait que cela ne reflétait pas la volonté du QIA, d’après son témoignage lors de son audition du 29 avril 2024, consulté par l’AFP.
M. Lagardère et son entourage proche, y compris Pierre Leroy, un pilier du groupe, et Ramzi Khiroun, un conseiller influent, tous deux mis en examen dans cette affaire, avaient mobilisé leurs contacts, y compris Nasser Al-Khelaïfi, un administrateur du QIA. Selon les déclarations d’Arnaud Lagardère aux juges, Al-Khelaïfi avait « transmis la demande à l’émir lui-même ».
Réactions de Nasser Al-Khelaïfi
Lors de son audition le 5 février, Nasser Al-Khelaïfi a exprimé sa surprise quant à sa convocation, d’après les déclarations d’une source proche du dossier. Il a affirmé : « Je n’ai exercé aucune influence dans cette affaire. Je me retrouve pris dans une affaire sur la base d’un simple appel concernant un problème avec le Qatar auquel j’ai simplement transmis la demande, et mon rôle s’est limité à cela. »
D’autres échanges, dont l’AFP a eu connaissance, révèlent que M. Leroy avait également suggéré en 2018 à M. Lagardère d’appeler « un ami » influent pouvant contacter « le président du QIA et le ministère des Finances » : Nicolas Sarkozy.
Toutefois, « cela ne s’est pas concrétisé, car j’avais la réponse de Nasser Al-Khelaïfi », a ajouté M. Lagardère en avril 2024. Cinq jours après le premier vote, le QIA a changé de position et a soutenu les résolutions de gouvernance de M. Lagardère.
En septembre 2018, Jamal Benomar, diplomate britanno-marocain proche de Doha, a été nommé comme « membre indépendant » au conseil de surveillance de Lagardère SCA, un « interlocuteur » de qualité selon M. Lagardère. Néanmoins, les juges y voient une « représentation officieuse » des intérêts du Qatar et suspectent la présence d’une contrepartie.
Finalement, le groupe Lagardère, ancien empire médiatique et aéronautique, a été acquis après une lutte acharnée fin novembre 2023 par le géant des médias et de l’édition Vivendi, contrôlé par la famille de Vincent Bolloré, un milliardaire conservateur.
En France, M. Al-Khelaïfi avait déjà été mis en examen pour corruption dans le cadre des candidatures du Qatar aux Mondiaux d’athlétisme 2017 et 2019, mais cette mise en cause a été annulée début 2023 par la Cour de cassation, jugeant la justice française incompétente pour le poursuivre.
Le dirigeant iconique du Paris Saint-Germain est également visé dans d’autres dossiers judiciaires. Des juges d’instruction parisiens enquêtent sur des accusations d’enlèvement et de séquestration au Qatar, dont se dit victime le lobbyiste franco-algérien Tayeb Benabderrahmane. Visé, le patron du PSG dément et a déposé une plainte notamment pour chantage.
Par ailleurs, d’ex-employés de « NAK » ont porté plainte contre lui, notamment pour travail dissimulé.