Yvon Michel consacre sa première chronique 2025 à Jean-Paul Chartrand

Hommage posthume à un ami cher

Souvenirs et hommage à Jean-Paul Chartrand

En cette première chronique de l’année 2025, j’aimerais rendre un hommage spécial à mon ami Jean-Paul Chartrand, qui nous a quittés le 23 décembre 2023. Il aurait célébré son 94e anniversaire demain, samedi 11 janvier, et ses obsèques ont eu lieu le 18 janvier dernier.

Mon cher JP,

Tu nous as quittés en douceur, le même jour où Turki Alalshikh lançait un immense événement en Arabie Saoudite, les « Saisons Riadh », qui avait pour but, tout au long de 2024, de rassembler les plus grands boxeurs mondiaux, sauf peut-être Canelo Alvarez et Naoya Inoue.

Ce soir-là, tu aurais été déçu de voir Deontay Wilder et Arslanbek Makhmudov échouer, mais tu aurais certainement apprécié la résurgence de Daniel Dubois.

Tu avais une profonde admiration pour Artur Beterbiev, et je me souviens que tu avais déclaré en direct qu’il faudrait quelque chose d’aussi puissant qu’une barre à mine pour l’arrêter. Tu seras ravi d’apprendre que ni Callum Smith ni Dmitrii Bivol n’avaient cette capacité. Artur demeure invaincu et détient toutes les ceintures chez les mi-lourds.

Des funérailles émouvantes

Tu m’avais souvent dit vouloir être présent à tes propres funérailles, alors je vais te raconter ce moment, cher JP.

« What you see is what you get! », disais-tu souvent. Effectivement, c’était bien toi dans cette modeste urne funéraire, agrémentée de ta photo, entouré de ta famille et de nombreux amis venus te rendre hommage.

Contrairement à ce que tu pensais, l’affluence était grande. Francine se porte bien, entourée par ta famille. Jean-Paul fils était là, aussi digne et stable qu’à son habitude, veillant sur toute ta famille.

Il a orchestré l’événement à la perfection, et tu en serais fier. Les trois anciens présidents de RDS, Gérald, Gerry et Charley, ont fait le déplacement. Domenic était présent aussi, et tu lui portais beaucoup d’affection. L’atmosphère était empreinte de tendresse, de respect, d’amour et de compassion.

Un héritage de récits inoubliables

Je me souviens combien il nous a fallu du temps pour s’accorder, toi et moi, sur lequel d’entre nous était l’expert en boxe professionnelle, et tu m’as vite fait comprendre que c’était toi !

Avec toi, 1727 émissions ont été enregistrées, ponctuées de moments exceptionnels. Avec toi se perdent les histoires des Johnny Greco, Dave Castilloux, Armand Savoie, Reggie Chartrand, Rocky Brisebois, René Trudeau, Donato Paduano et Robert Cléroux. Mes références arrivent 25 ans trop tard.

Avec toi, disparaissent aussi tes expressions des années 60 : « Live and Living color! » ou encore « Ataboy mon cowboy! » Personne ne se souvient plus de ce que c’était qu’un télégramme.

Junior m’avait demandé de préparer un discours pour tes funérailles, comme tu l’avais souhaité. C’était la troisième fois qu’on me demandait de te rendre hommage publiquement.

La première, lors de la célébration de ta retraite supposée à tes 65 ans, il y a 27 ans, et c’est l’organisateur de cette fête qui dut prendre la sienne.

La dernière fois, c’était il y a quatre ans lors de l’émission 25 Ans d’Émotions, qui devait à l’origine te rendre hommage à titre posthume !

Claude Maillot fut le premier à te rendre hommage, lui qui a vu un studio d’enregistrement à RDS porter son nom, juste à côté du tien.

Il a été brillant, retraçant votre époque où tu étais le roi des ondes montréalaises. Il a bien raconté que c’est toi qui lui avais offert ses premiers contrats, lançant ainsi une carrière médiatique phénoménale.

Rires et nostalgie

Ton absence laissera un grand vide lors de nos émissions, ton esprit convivial, le plaisir partagé avant, pendant et après chaque rendez-vous, et tes blagues, même si elles revenaient fréquemment, comme celle où tu avais arrêté la boxe à cause de tes genoux flanchants après un coup à la mâchoire. Et ce fameux jour où des poignées avaient été cousues sur ton pantalon pour faciliter ton transport après un KO.

Avec un sourire malicieux, tu nous racontais la première fois où tu avais emmené Francine à l’hôtel. C’était au casino du Lac Leamy, où la chambre n’était pas prête, te causant une belle contrariété. Le gérant, t’ayant reconnu, s’était excusé en vous surclassant dans la suite nuptiale du penthouse. Arrivée là-bas, Francine s’était émerveillée, et tu lui avais répondu : « Tu ferais mieux de t’y habituer dès maintenant ! »

Chaque semaine, tu me demandais des nouvelles de Stéphanie, Sylvio et Matéo. Rassure-toi, JP, ils vont bien, ils comprennent ma peine et partagent ma tristesse.

Tu as fait sensation lors du dîner de la Fondation organisé par Stéphanie, trois mois avant ton départ. Lorsque je t’ai présenté à l’assemblée, tu as lancé : « Salut le Kid ! » À 70 ans, plus personne ne m’appellera ainsi.

Le mois suivant, tu as été intronisé au Panthéon des Sports du Québec, te comportant en véritable légende ce soir-là. Les gens s’en souviennent encore.

Tu as longtemps jonglé entre la retraite et le travail, nous demandant de te prévenir si jamais nous sentions que tu perdais pied. Cela n’est jamais arrivé, toujours alerte, vif et assuré.

Lors de notre dernière rencontre à l’hôpital, quelques jours avant ton départ, tu t’inquiétais encore de ne pas avoir reçu ta dernière paie de RDS, et en éternel inquiet, tu me demandais si l’on t’avait licencié sans te mettre au courant.

Pendant 34 ans, tu t’es tracassé à chaque renouvellement de contrat, peut-être était-ce cette anxiété qui te gardait si vif.

Tu seras ravi de savoir que tes références favorites, Don King, Bob Arum et Guy Jutras, tous nés en 1931, la même année que toi, sont encore pleins de vitalité.

Un an déjà sans toi parmi nous, un vide que rien ne peut vraiment combler. Merci pour ta complicité, ton amitié, ton intérêt constant pour moi et mes proches, ton influence sur ma carrière et ma vie !

Comme l’a dit le philosophe Jean d’Ormesson : « Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »

Nous ne t’oublierons jamais, mon vieil ami !

Que les cieux t’offrent de belles rencontres de boxe là-haut !