Le Top 14 : Entre strass et galères financières
On est vite séduit par l’éclat du Top 14. C’est la vitrine du rugby à son paroxysme : des affiches de rêve, les meilleurs joueurs de la planète, des stades remplis à craquer, et un public électrisé. Mais, comme souvent, derrière les paillettes, la réalité économique des clubs français est loin d’être rose.
Un Derby Parisien Sous Haute Tension
Dimanche soir, la capitale va vibrer avec le choc Racing 92 vs Stade Français à la Paris La Défense Arena. Ce duel résonne avec l’ADN du championnat, né en 1892. Un match au sommet, mais aussi sous tension.
L’envers du décor est moins glamour : les clubs du Top 14 affichent un trou financier abyssal de 64,5 millions d’euros pour la saison 2023-2024. En un an, c’est une augmentation de presque 10 %. Et dix équipes sont désormais dans le rouge.
Le Stade Français est à l’image de cette crise. Sauvé en 2017 par le milliardaire suisse Hans-Peter Wild, qui a injecté près de 100 millions d’euros, le club est sur le fil du rasoir. Wild, à 83 ans, s’interroge sur la suite si jamais il devait plier bagage. "On ne peut rien exclure, il faut être réaliste, qui pour reprendre le flambeau si Wild décide de stopper ?", s’inquiète Thomas Lombard, DG du club.
Des Bienfaiteurs en Question
Le Racing 92 subit la même pression. Jacky Lorenzetti, 77 ans, épaule le club financièrement en espérant un jour passer le relais à ses enfants. À Montpellier ou Toulon, la dépendance à des bienfaiteurs septuagénaires reste bien présente. Castres, Clermont ou Lyon s’appuient sur des entreprises qui pourraient à tout moment reconsidérer leur soutien.
Les droits télé, solides avec Canal+ à la manœuvre (113,6 millions d’euros par saison, bientôt 128,7), et un sponsoring séduisant peinent à masquer la fragilité du modèle économique. "C’est simple, notre économie ne tient pas la route. Les coûts de fonctionnement explosent", se lamente Lombard, pointant les 150 salariés, les formations, le rugby féminin, et la maintenance des stades.
La LNR envisage de réduire le salary cap, actuellement à 10,7 millions d’euros, à partir de 2027-2028. Mais Lombard rétorque : "Réduire le salary cap, c’est bien, mais ça ne règle qu’une partie du souci. Tout augmente autour, le staff, c’est vingt personnes aujourd’hui… Il faut réfléchir globalement."
Un Système à Bout de Souffle
Le contrôle du salary cap repose sur la bonne foi des clubs. Sans audit externe véritable, le système reste dans le flou.
Même le Stade Toulousain, pourtant champion et figure de proue du rugby français, n’est pas épargné. Une forte dépendance aux recettes de billetterie et du stade les rattrape. Le club a récemment dû payer une amende de 1,3 million d’euros suite à une infraction lors du transfert de Melvyn Jaminet.
"Le problème du Top 14, c’est qu’il est structurellement déficitaire", martèle l’économiste Pierre Rondeau. Selon lui, la survie repose sur le mécénat, une dépendance dangereuse. "Un club, ce n’est pas une simple entreprise", insiste-t-il, soulignant le poids social, culturel et politique du rugby en France.
En dépit des alertes répétées, le Top 14 continue de briller. Mais pour combien de temps encore sans une réforme en profondeur ?